Haïti pleure le sommeil éternel d’un chef d’Etat qui s’est révélé humble. Son humilité a été manifestée durant les différents aspects de sa vie. La nation caribéenne, le théâtre de troubles politiques, souffre pendant longtemps. Elle a connu bon nombre de dirigeants, élus et non élus qui ont bien des fois fait montre de leur égo. Ils gouvernaient orgueilleusement. On dirait qu’ils etaient de grands stratèges ou qu’ils ne l’etaient pas. Toutefois, certains ne maintenaient le pouvoir que par la dictature. D’autres ne finissaient pas leur mandat. Tel n’est pas le cas de celui qui vient de passer de vie à trépas.
Un agronome inconnu du grand public a été présenté au peuple haïtien comme premier ministre désigné par le président élu démocratiquement en décembre 1990. L’homme est devenu chef du gouvernement. Mais avec le putsch de 1991 il s’est trouvé dans l’obligation de prendre le chemin d’exil. Après le retour à l’ordre constitutionnel de 1994, il regagna le pays, mais il accepta de s’écarter humblement du gouvernement de Jean-Bertrand Aristide. Néanmoins, l’ex-premier ministre n’était pas oublié. Il était encore au coeur de la masse, de la classe moyenne et de l’élite progressiste. Aussi faisait-il l’objet de la joie du peuple en décidant de se déclarer candidat à la présidentielle de 1995. Dauphin du président Jean B. Aristide, ce dernier lui apporta officiellement son soutien.
L’agronome, René Garcia Préval, est élu président de la République. Il avait donc du pain sur la planche. Ses opposants voulaient à tout prix faire échouer son gouvernement. Le trente-huitième président a su toutefois se débrouiller . Il a su garder le silence devant certaine conjoncture. Il est parvenu à achever son mandat. Dans cette perspective, d’aucuns disent qu’il fut un grand stratège. Opinion considérable. Mais le président n’hésitait pas à dire la vérité. Il ne cherchait pas à persifler son peuple. Après son quinquennat il s’est retiré à Marmelade, la ville natale de son père et dans laquelle il a grandi. Il y vivait modestement. L’ex-président vivait sa vie tranquillement, silencieusement qu’on croyait qu’il n’éprouvait pas le désir de briguer un second mandat. Que peut-on dire à l’égard de ce comportement? Tout fidèle observateur de la vie politique haïtienne pourrait admettre que son silence après son mandat n’était pas conjoncturel. Il restait silencieux durant la gouvernance de son successeur ami Jean-Bertrand Aristide jusqu’ à ce qu’il ait été contraint de quitter le pouvoir et prendre le chemin d’exil. Il avait le même comportement sous le gouvernement de facto de 2004-2006.
L’élection présidentielle devait être organisée en 2006, et des candidats ont poussé de part et d’autre. On n’entendait pourtant pas l’annonce de la candidature du prédécesseur du président exilé. Sa candidature fut annoncée peu de temps avant cette présidentielle. Et tous ceux qui avaient soif du retour de l’ancien prêtre président voyaient en Préval l’unique option. Il devait servir de tremplin pour ce retour. Pour les amis de la démocratie, un président devait être élu, et ce dernier devait avoir la volonté de travailler pour faciliter le retour, sur sa terre natale, du président exilé en Afrique du Sud.
L’ex-président est à nouveau président! C’est l’euphorie. Tous ceux qui avait le désir de revoir l’ancien curé de St. Jean Bosco dans sa République souveraine et indépendante chantaient le refrain de l’espérance. Mais une espérance dans l’impatience, car faciliter ce retour n’etait pas une mince affaire. Il y avait le pour et le contre. Le nouveau président était donc entre le marteau et l’enclume. Il lui a fallu faire appel à sa conscience et sa sagesse pour mettre en application la constitution de la nation souveraine et indépendante. On le sait bien, Jean-Bertrand Aristide est rentré dans le pays vers la fin du mandat du président. A en croire les ouï-dire, leur relation était devenu fanée, faute de l’insatisfaction de l’ ancien prêtre qui, selon lui, son dauphin n’avait pas fait assez pour permettre sa rentrée rapide dans son pays.
La deuxième administration de Préval devait gérer beaucoup de crises. Le chef de l’Etat avait voulu faire acte d’abnégation. Des opposants faisaient partie de son gouvernement. L’économie était en voie de redressement, et le pays devint frappé par la grande catastrophe de 2010. Toutefois, le quarantième président gardait son calme. Par ailleurs, son optimisme et son honêteté calmaient les esprits de ses sympathisants et même ceux de ses opposants. Chef d’Etat d’une nation résiliente, il avait confiance en un futur florissant du pays. Cette confiance a été manifestée le jour même du séisme dévastateur. A la question concernant le futur du pays quasi ruiné, il répondit: «Haïti se relèvera». «Haïti se relèvera», une réponse qui vivifiait le peuple dans le lugubre moment. L’humble président voyait beaucoup de fonds provenant de la communauté internationale décaissés en faveur de la nation souffrante. Il n’a pas été accusé d’avoir détourné les fonds. Le chef de l’Etat défunt a servi son pays avec honêteté et humilité qui sont deux des plus belles qualités dans ce monde.
Etant fils d’une famille aisée, le jeune Préval aurait pu avoir un complexe de supériorité. Il aurait pu s’abstenir de l’ordinaire. Son père fut ministre de l’agriculture sous le gouvernement de Paul Eugène Magloire. Après ses études universitaires en Belgique, il emigrait à Brooklyn, New York en 1970. Il travaillait dans un restaurant de cette ville jusqu’à ce qu’il retournât cinq ans plustard en Haïti. Dans son pays, agronome Préval travaillait au département des mines avant de s’initier à la boulangerie. L’humble agronome pensait aux démunis, et il les secouraient avec du pain de sa boulangerie.
Le president René Garcia Préval est décédé le 3 Mars 2017, à l’âge de 74 ans. L’on se souviendra de lui comme étant un homme humble qui voulait changer pour de bon la situation du pays. Son humilité, l’une des plus importantes qualités dans ce monde, a contribué à son succès politique. Un vide s’est créé avec la disparition de ce chef d’Etat. Haïti a besoins de ses fils et filles pour combler ce vide. Bien sûr , il y en a. Politiques ou apolitiques. Que l’esprit égocentrique qui grignote les coeurs de nos institutions, qu’elles soient publiques ou privées, cède la place à l’humilité pour le bonheur de notre patrie. Que Dieu nous bénisse!