Colombe, je veux surtout avant que je m’en aille
Et que ma chair ne soit recouverte de paille
Me glisser dans ton lit pour te réchauffer un peu
Et déposer froidement sur tes lèvres en feu
Le dernier des baisers, synonymes d’ivresse,
Que la chaleur de ton corps soit le premier adieu
Que je reçoive, qu’elle me dise avec tendresse
Au revoir mon cher mari, tu vas me manquer
Alors je partirai avec un cœur léger
Et je saurai même tard que j’ai été aimé.
Colombe, si sans te dire un dernier adieu
Je pars comme un vulgaire personnage
Sans que tu aies la chance de me fermer les yeux
Ni celle de me placer dans un sarcophage
Sache que je veux t’éviter l’atroce douleur
De croiser mon regard pour une dernière fois
Et de savoir que l’élu de ton pauvre cœur
Ne reviendra plus rôder dans le sous-bois
Sous ta fenêtre avant les coups de minuit
Pour bercer ton sommeil et adoucir tes nuits.
Colombe, je partirai quand même un beau jour
Je te laisserai sans sou ni grande fortune
Seulement avec les souvenirs d’un amour
Fou, loyal, mais qui valait moins qu’une prune
Parce qu’il n’apportait ni la joie des richesses
Ni le confort ni le plaisir que l’abondance
Procure à tous ceux qui en ont la jouissance.
D’un amour-fou qui se renouvelle sans cesse
D’un amour mélancolie, d’un amour chagrin
D’un amour prison qui s’accroche au destin…
Colombe, je partirai avant qu’il fasse nuit
Si tu veux avant le dernier coup de minuit
Avant que l’angélus ne chasse la lumière
Et que les ténèbres ne se moquent de tous
En permettant aux fauves, aux chouettes, aux hiboux
D’investir les sentiers, les cours et les clairières.
Je m’en irai traversant le fleuve frontière
Qui sépare l’existence de l’oubli ; tu me verras
M’en aller sans espoir de revenir sur mes pas
Pour te cajoler et te prendre dans mes bras.
Colombe, si en rêve tu me vois dans ton lit,
Ou sur ton épaule, verser des larmes amères,
Sache que je regrette que la mort m’ait surpris
Avant que j’aie goûté aux délices de la vie,
Que j’aie posé sur un socle de grandes pierres
Le solide fondement de cet amour fou
Et que j’aie gravé dans nos deux cœurs les raisons
Pour lesquelles entre toutes j’ai choisi Nadou
Comme celle qui doit régner sur ma maison
Sur ma vie, mon âme, mon cœur, mes biens et sur tout
Colombe, mon cœur n’a qu’un siège : Il est déjà pris
Par celle pour qui je vis, pour qui je vivrai
Il est à toi, à toi seul pour l’éternité.
Imprime ton nom sur ses parois, sur ses plis
Pour que l’on sache que je suis ta propriété
Je le serai encor à la fin de mes jours
Quand, à la fin de ma longue et rude journée,
J’aurai à rendre au Créateur mon tablier
Je lui dirai un grand merci pour ton amour.
Et lui demanderai de préserver tes jours.
A Toi pour la vie.
Paul Morris François