C’était une réunion qui avait bien commencé. Les professeurs avaient fait bon travail, ils ont pris de bonnes résolutions quand la nouvelle tomba. Kernst Calixte, l’un des plus jeunes du staff, a été victime de bandits armés, qui, après avoir pris son sac, tirèrent sur lui à bout portant. Il n’a pas survécu à ses blessures. 24 ans, trop jeune pour mourir…
Calixte avait commencé cette année à travailler au Collège Catts Pressoir et au lycée de Miragôane. Des bandits ont brûlé une licence en droit, une en littérature et aussi une maitrise en littérature et en philosophie de l’université de Paris 8 en faisant feu sur ce jeune homme. Brillant selon ses pairs, la république vient de perdre un cerveau pour un sac contenant un laptop.
Combien de cerveaux devons-nous perdre au prix d’un laptop, d’un cellulaire dernier cri ? Quand allons-nous enfin dire assez, que c’en est trop ? Encore une fois, tous crieront à l’injustice à la radio comme à la télévision, des discours pompeux seront prononcés à ses funérailles… puis rien jusqu’à la mort du prochain que nous perdrons une fois de plus, une fois de trop à cause de notre indifférence et notre hypocrisie.
Combien de mères devons-nous faire descendre avec douleur dans le séjour des morts pour la mort d’un fils ? Combien de femmes allonsnous laisser veuves avant de prendre conscience ? Combien de jeunes prometteurs consentirons-nous à laisser partir dans l’indifférence ? Nous avons perdu l’un des jeunes les plus brillants de sa génération. Par qui allons-nous le remplacer ? 24 ans, deux licences, une maitrise, deux postes… Peu à peu, nous tuons cette jeunesse, cet espoir dont nos ainés en parlent tant.
Par-dessus tout, c’est un fils, un frère, un cousin, un collègue que nous avons vu partir dans ces conditions. Nous ne voulons plus pleurer de cette façon-là, nous voulons cesser de discourir en ce sens. On veut sortir et être sûr qu’on rentrera chez soi, que l’argent qu’on vient de prendre à la banque ne nous sera pas enlevé, que nos ordinateurs ne seront plus dérobés. En un mot, nous voulons vivre.
On dit souvent qu’un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle mais l’assertion s’apparente aussi bien à Calixte même s’il était très jeune. Cette bibliothèque détruite par des mains criminelles laisse des traces indélébiles sur ceux qui aimaient tant visiter celle-ci et y puiser des connaissances. Calixte, tu es parti trop tôt mon cher.
Vanessa Dalzon