Par Professeur Marthe A. Thomas
De tous les temps, l’enseignement demeure un point de mire pour les pédagogues, les philosophes de l’éducation, à cause de la responsabilité que l’école endosse vis-à-vis de l’élève qui lui est confié. L’élève ne se demande pas toujours d’où vient qu’il cherche à savoir, mais mieux, il veut être sûr qu’il sait ce qu’il sait.
Grâce aux efforts conjoints de tous les intéressés dans la formation de l’élève, tous en général à travers tous les siècles de l’antiquité jusqu’à nos jours, restent convaincus que la curiosité engendre le besoin de savoir ce qui est inné dans chaque individu. Et, puisque tout homme est créé à l’image de Dieu, son Créateur, il lui revient par conséquent à faire toujours preuve de son savoir. C’est par là qu’il vaut quelque chose. Car, pour ainsi dire, le sot n’existe pas. Il sait ce qu’il sait à sa façon. Cependant, le clou même du savoir c’est comment l’apprenti (l’élève) sait qu’il sait. A ce point de vue, il a recours en dernier ressort à sa conduite personnelle qui fort souvent justifie sa connaissance. C’est la raison pour laquelle l’école s’arroge du droit de tracer des lignes de démarcation entre l’ignorance et l’intelligence dans l’esprit de l’élève.
L’INFLUENCE DE LA DISCIPLINE.- Dès le premier jour de l’école, au premier contact, l’élève fait face à l’effort de se conduire plus ou moins bien dans des normes intellectuelles, morales, et physiques. On l’oblige à se lever pour saluer le maître d’école au seuil même de la porte de la classe; lever la main avant de s’exprimer; respecter ses camarades de classe; refléter des normes physiques, à savoir l’hygiène corporelle qui consiste à maintenir une apparence propre et modeste. En général, la politesse doit être strictement observée en tout et partout. Il se voit pris dans un pétrin social qui l’oblige même à s’y soumettre avant même d’apprendre son alphabet et de savoir écrire son propre nom. Pourtant, il ne s’en démord pas. «Car, c’est le premier pas qui coûte.» La conduite (la discipline dans le comportement de l’élève) a toujours été une hantise à l’esprit de nos premiers pédagogues. Loin de là de faire de l’école une plate-forme de Circus, où, comme nous le voyons, à la suite de la période d’apprivoisement, les experts introduiront leurs élèves sur la scène de spectacle pour y faire parade de leur apprentissage. Les instituteurs restent conscients et convaincus qu’il n’en est pas de même et qu’ils ont affaire à des humains en miniature dont leur futur dépend de scolarité. Comme Maître suprême, le Christ a surmonté tous les courants de blâmes de la part de ses disciples. Pour Lui, l’obéissance est synonyme de foi. En tant qu’homme parfait, il se gardait d’être libéral dans son comportement, ou de se passer pour un libre pédagogue, ou un Maître trop rigide mettant le carcan au cou de ses disciples, les efforçant à le suivre: «Le salut est personnel et gratuit; seulement: viens et suis-moi,» leur disait-il. Donc, il en résulte un effort de volonté de la part de l’élève dans l’exercice de son comportement. Et c’est par là qu’il sait ce qu’il sait. Il y va d’un équilibre de satisfaction personnelle entre sa joie d’apprendre et sa volonté de savoir. Car il est libre de suivre son chemin pour s’attirer soit l’éloge de son maitre et de ses parents ou les blâmes des deux côtés.
LES CONTRIBUTIONS DES SIÈCLES.- Efforçons-nous de brosser très brièvement les côte-parts assez généreuses de bon nombre de pédagogues scolaires. L’homme, de par son passage du paradis terrestre – ce lieu de bonheur resté inconnu jusqu’à son dernier soupir – à cette mode de vie terrestre, demeure assoiffé du savoir. L’esprit de l’homme se bouleverse depuis l’Antiquité, le Moyen Age, la Renaissance, jusqu’à celui de l’Age Moderne, et à nos jours ce que nous appelons l’âge informatique, à l’égard d’une méthode d’enseignement la plus convenable pour instruire l’élève ou satisfaire en lui l’acquisition du savoir afin qu’elle soit tangible. Ces différents pédagogues, philosophes, et mêmes scientistes semblent souder leur esprit ou leur conception au sujet du savoir par crainte de perdre le fil de leur recherche. Et, puisqu’il n’existe pas de maîtres ou pédagogues sans disciples ou élèves, eux tous ont combiné leurs efforts pour laisser un modèle d’élève ou d’école fondée sur leurs techniques d’enseignement, façon propre de disséminer la connaissance ou le savoir dans l’esprit de l’apprenti. Bien qu’ils n’arrivassent pas eux tous à s’entendre à tout point de vue, peu s’en fallut que leurs doctrines ne fussent pas complètement rejetées á travers leur siècle.
D’après les conceptions antiques de l’éducation, c’est-á-dire, du primitif á l’empire romain, l’éducation voulait dire la socialisation de l’être humain. Pour partir de l’Antiquité avec Aristote, qui, d’après lui, compare l’esprit de l’enfant à une tablette lisse sur laquelle rien n’est écrit, mais sur laquelle on peut tout écrire. Pareille conception qui est fermement combattue par l’éducation Athénienne qui prônait une idée plus élevée dans l’éducation de l’élève ; à savoir, former l’esprit pour une carrière d’homme d’État. C’était pour eux la découverte du culte du Beau. Le Moyen-Age s’efforce de couronner les conceptions de l’Antiquité par l’introduction d’une éducation chrétienne. Par ainsi, l’amour de la patrie ne saurait exclure la crainte du Créateur. Dans l’époque de la Renaissance, les deux fameux pédagogues humanistes, Montaigne et Rabelais du début du XVIe siècle se disputaient la différence entre une tête bien faite et une tête bien pleine. En fin du XVIIIe siècle, Jean-Jacques Rousseau de dresser le petit Emile, image de l’élève éduqué au moyen de la nature qui l’entoure. Et ce, pour ne citer que très peu de ces influents pédagogues.
De nos jours, nous appellerons plutôt l’éducation de l’élève la richesse de produire. Car, l’élève est loin d’être pareil à un arbre planté près des courants d’eau sociaux, qui donne ses fruits en sa saison, et dont le tronc demeure immobile. C’est là l’important. L’esprit se meut toujours et ce, grâce à son bagage intellectuel. Comme devrait dire le Christ : « C’est par là que se font reconnaître les enfants de Dieu, les enfants de lumière.» «Vous les reconnaîtrez tous par leurs œuvres.»
L’APPROCHE DES EVALUATIONS.- Nous dirons par ce fait que les données scolaires semblent á être le phare qui éclaire la nacelle de chaque élève et dont l’apprenti lui-même est le gouvernail. Il n’est pas moins vrai que toute distraction et excès d’indiscipline dans sa vie scolaire ne résument qu’à ralentir ses efforts, ou encore diminuer ses ambitions, voire le faire dévier de son idéal. Essayons de partager avec prudence la conception générale de bon nombre d’ enseignants, qui, de concert avec leurs méthodes d’enseignement, restent persuadés que les résultats de subséquentes épreuves d’examen ou d’évaluation finiront tout au moins par révéler à l’élève son degré de perfectionnement ou d’insuffisance dans telle ou telle autre matière. Pourtant, chacun est témoin de ses propres expériences d’apprentissage pour avouer que c’est seulement avec le temps que l’on se fait l’idée de la majeure partie de son savoir. Tandis que toutes les données scolaires ont été mises à son service pour faire de lui un bagage intellectuel, l’élève reste encore ébahi devant son pouvoir d’apprendre et de savoir.
L’évaluation peut être faite par divers moyens. Mais par-dessus tout, Il doit être tout à fait objectif. Car, en un sens, bien que ce procédé scolaire consiste à sonder ou à mesurer le niveau de compréhension ou de jugement dans l’esprit de l’élève, il ne reste pas moins vrai que certains corollaires de subjectivité peuvent bien entrer en jeu. A savoir, l’écart entre le temps d’assimilation et d’adaptation de la part de l’élève est de toute considération. Les méthodes d’enseignement peuvent se révéler très défavorables à l’endroit de l’élève. Par exemple, dirons-nous, l’enseignant n’est pas tout à fait à la hauteur de sa tâche. L’élève ne peut rien à cela. Il se contente seulement d’être soumis à la volonté de l’enseignant. Il faut voir qu’il y va de ce procédé d’évaluation une ressource de résultats du programme d’éducation et des moyens de l’inculquer dans l’esprit de l’élève. Donc, mesurer le savoir de l’élève tend tout aussi bien à évaluer les buts et les objectifs de l’établissement où l’élève se trouve confiné des heures par jour. En d’autres termes, dans l’évaluation de l’élève, l’enseignant devient l’observateur du rapport de l’élève à l’endroit de sa méthode d’enseignement. Et de là, bien sûr, découleront quelques indices du savoir de l’élève. Et bien entendu, l’élève pour sa part, selon qu’il ait échoué ou réussi saura comment il sait qu’il sait. Il y a beaucoup d’autres mesures à prendre dans l’évaluation de l’esprit de l’élève. L’enseignant doit pouvoir se passer pour un expert dans le choix des sujets ou programmes à évaluer. L’étude du temps alloué à chaque question ou section de l’épreuve est excessivement de toute importance. L’évaluation pour sa part met l’élève dans un contexte de seul à seul avec son savoir.
QUID DES MOTIFS DE L’ACQUISITION.- Qui peut s’empêcher de se rappeler l’influence de tel ou tel instituteur pendant le temps passé sur les bancs de l’école? Soit que l’élève fait l’éloge de son maître toute sa vie pour son habileté d’enseigner ou qu’il se souvient de tel ou tel maître pour sa rigidité avec un dégoût sans pardon. L’esprit de l’élève est très sensible à toute donnée nouvelle d’instruction. Il se voit à chaque moment aspiré à un idéal qui lui est inconnu et qui éveille en même temps dans sa pensée le rêve du succès. L’élève se voit entrer dans une constante compétition avec lui-même et sa ténacité de savoir. Il ne se demande pas de quoi s’agit-il à encaisser tous ces bagages intellectuels. Il ne redoute pas non plus son entourage composé de camarades de même âge et à peu près de même niveau de compréhension, ce qui lui est fort plaisant.
Mais, par-dessus tous les efforts de l’esprit dans l’acquisition du savoir, les motifs les plus élevés, dirons-nous, c’est la passion de l’étude. Sur l’intensité de la répétition en soi et de la pratique des données scolaires qui se renouvellent chaque jour et dont l’esprit se porte garant du succès rêvé, l’image du savoir se décrit. L’élève finalement sait qu’il sait. Tout cela nous rappelle la parole de Dieu à Josué : «Que ce livre de la Loi ne s’éloigne pas de ta bouche! Médite-le jour et nuit!» L’absence de ce procédé d’études approfondies de la matière semble à marquer une tendance vers l’erreur de notre système d’éducation actuelle. Bien sûr, la technologie de notre siècle simplifie énormément l’usage de gros et de petits volumes classiques dont se chargeait l’élève au dos ou aux épaules. L’usage d’ouvrages classiques se réduit à celui d’un appareil électronique appelé «tablette» sans oublier leur téléphone mobile (en usage presque 24 heures par jour). Tous ces changements et nouveautés ne résument qu’à éliminer ou réduire les efforts de l’élève. Alors, l’acquisition du savoir se fait bon gré mal gré tout en courant le risque d’oublier aussi facilement les données scolaires. Point n’était besoin pour le Messie de s’embarrasser d’ouvrages classiques puisque Il était lui-même la Parole faite chair habitée parmi les hommes.
QUID DU CHOC DE L’ACQUISITION.- Évidemment, tout ne va pas toujours sur des roulettes dans l’apprentissage de l’élève. On ne se ferait pas grand tort à le croire. Souvent et fort souvent, l’esprit de l’élève se heurte à une pierre d’achoppement. L’attraction scolaire pour bon nombre se réduit à une faiblesse d’effort mental. Certains d’entre eux refusent même d’étudier. D’autres arrivent même à faire l’école buissonnière. D’autres encore se croient être placés dans une prison. Ils commencent à avoir horreur de ce monument qu’est l’école qui ne leur dit plus rien. Le dialogue entre l’élève et l’enseignant est presque éliminé dans la salle de classe. Point n’est besoin de dire que le taux d’attention portée à l’élève individuellement semble faire défaut. Il en découle parfois aussi bien un manque de respect réciproque. Alors, à qui est la faute ? Qui va remédier à la situation? Rousseau l’avait bien prévu quand il énonçait les formules d’une éducation formative d’Emile, son élève. Rousseau insistait qu’on enraye de l’éducation la contrainte à l’endroit de l’acquisition du savoir chez son élève. Cependant, l’élève ferait mieux de s’emprisonner l’esprit pour pouvoir le mettre en liberté. A l’encontre de cette conception de Jean-Jacques Rousseau, nous ferions mieux de recommander à l’enseignant de faire preuve de tactique professionnelle. C’est de là que vient la coutume dans la plupart d’établissements de récompenser les efforts de l’élève au cours d’une cérémonie toute spéciale de distributions de prix scolaires. Donc, il en résulte un effort de volonté et de prise de conscience de la part de l’apprenti dans l’acquisition du savoir.
Nous restons persuadés que l’élève est un produit évident de la société tant qu’ancienne que nouvelle. La société s’attend impatiemment à son influence et à sa contribution aussi large que possible. Et à son arrivée, il se doit de la saluer avec profond respect et une reconnaissance émue pour avoir pourvu à sa formation et à son entrainement. En dépit même de toutes les normes controversables et les tergiversations auxquelles l’école est en proie, plus spécialement de nos jours, l’élève ne perd pas pourtant son identité vis-à-vis de son désir de savoir et sa soif d’apprendre. La vie scolaire est aussi bien un passage dans la vie de l’élève, mais faut-il bien que ce passage soit beau pour avoir la peine d’être vécue. De nos jours, avec l’âge informatique, l’élève semble être livré à lui-même pour être sûr qu’il sait ce qu’il sait. Il y va du bon côté comme aussi du mauvais côté de la responsabilité de l’école. Tant que le souffle d’Esprit qui a été insufflé dans les narines de l’homme subsiste encore, du petit être (l’élève) jusqu’au plus grand (l’enseignant), l’un et l’autre seront toujours à la recherche de la vérité. «Car, je suis le chemin, la vérité, et la vie,» dit le Christ. En dernier relief, nous ne saurions oublier la question d’or de Jésus à ses disciples en vue de sonder leur acquisition du savoir à son endroit: «Et vous, qui dites-vous que je suis?» Et Pierre de répondre avec une assurance très présomptueuse sans doute: «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant!» Jésus voulait qu’ils parvinssent aussi à l’évidence de leur identité individuelle parmi les hommes. Et c’est par-là qu’ils savent ce qu’ils savent. Tâchons de même à aider l’élève à trouver son identité dans l’exercice du savoir. Car, dirons-nous: L’on peut toujours oublier ce que l’on a acquis, mais jamais l’on peut se rappeler ce que l’on n’a jamais su. Et c’est par-là qu’on sait ce qu’on sait.